Appel à communications
Fêtons, célébrons, commémorons : réjouissances festives dans la littérature et les arts
Onzième Conférence Inaugurale des dix ans du CRIST
Jeudi 30 août 2018, de 15h à 18h
Université du Québec à Montréal (UQAM)Pavillon Judith-Jasmin, salle J-4225
Le Centre de Recherche Interuniversitaire en Sociocritique des Textes a dix ans et c’est donc aux fêtes, aux célébrations et autres commémorations, des plus jubilatoires aux plus soporifiques ou pompeuses, qu’il consacre sa onzième conférence inaugurale.
Synonymes imparfaits, les termes « commémorations », « fêtes » et « célébrations » renvoient à des cérémonies et des rituels différents. Alors que les commémorations forment un phénomène social relatif au passé et à la mémoire collective, les célébrations mettent à l’honneur des figures, des événements, des communautés, des identités, des « fiertés », etc. Ces cérémonies se distinguent des fêtes qui supposent des dérogations à l’ordre pour mieux restaurer l’assentiment à l’ordre préconisé. Qu’ils relèvent de l’usage idéologique du passé, de pratiques culturelles et de rituels anthropologiques divers ou des logiques marchandes de la société de consommation, ces trois phénomènes s’inscrivaient jadis dans des traditions, des coutumes et des politiques nationales qui leur attribuaient une périodicité. Ils semblent relever désormais d’une festivité permanente et réactivée ad nauseam.
Les romans, la poésie, le théâtre, les films, la peinture ou les bandes dessinées qui font des cérémonies festives un lieu de représentation privilégié et ambivalent ne manquent pas. Du banquet platonicien aux fêtes populaires de Rabelais ; des fêtes monarchiques où Molière faisait jouer ses comédies-ballets aux Fêtes galantes de Verlaine ; des Comices Agricoles de Madame Bovary aux mondanités de La Recherche jusqu’à la réception donnée par l’animateur Jean-Pierre Pernaut dans La Carte et le territoire, les fêtes sont un promontoire d’observation des usages et des goûts (conversation, gastronomie, boissons), des manifestations artistiques (danse et musique) et des divertissements dans lesquels la littérature et l’art capturent l’art de vivre, l’imaginaire du pouvoir et plus généralement ce qui fonde le vivre ensemble d’une société. Ils en révèlent ainsi les failles et les secrets, son ordre moral et ses interdits, ses rapports de pouvoir ou sa part d’ombre.
Le phénomène de commémoration suppose, quant à lui, un vaste ensemble de rites qui incluent des célébrations religieuses et patriotiques, mais aussi les éloges, les services funéraires et toute une matérialité du souvenir. Il célèbre autant d’objets symboliques de la mémoire qui ne se limitent pas au grand bréviaire d’histoire nationale. Les commémorations sont le plus souvent pensées à l’aune quasi exclusive de l’usage politique du passé, voire de l’instrumentalisation du passé par le haut (l’État) ou par le bas (les groupes sociaux en mal de reconnaissance). À ce titre, elles sont l’objet de mises en question récurrentes sur leur intérêt ou leur bien-fondé, notamment de la part des historiens, lesquels déplorent l’irruption de la mémoire dans l’ensemble des sphères de la société générant une « commémorite[1] » aiguë, une (sur)patrimonialisation du passé, une « saturation de la mémoire[2] », un appel à un « devoir de mémoire[3] » et une « fragmentation de la mémoire nationale » au profit de « revendications mémorielles » particularistes, voire communautaristes.
Quels sont les récits, les dramaturgies, les savoirs, les images et les discours que mobilisent les festivités, les commémorations et les célébrations qui rythment notre vie sociale ? Comment la littérature et les arts représentent-ils ces cérémonies et ces rituels auxquels nous prenons part afin de célébrer le 375e anniversaire de Montréal, de commémorer les cinquante ans de Mai 68 ou de fêter l’arrivée du nouveau Beaujolais ? À quelles figures, quels récits, quelle théâtralité, quelles images, quels savoirs et quels discours les fêtes donnent-elles lieu et comment la littérature et l’art les évoquent-ils de manière critique ? Plutôt que de se demander quels sont les divers registres — didactique, politique, juridique et esthétique, social ou anthropologique — de la gestion visible du passé par les différentes institutions d’une société, des modes de contrôle social qu’impose la festivité d’une époque ou de réduire la célébration à un instinct grégaire, cette journée visera à examiner le devenir symbolique de la mémoire collective, du vivre-ensemble et du sens qu’une société donne à sa propre organisation sociale lorsqu’elle célèbre, fête ou commémore.
Les propositions de communication (un titre et cinq lignes de présentation) doivent être envoyées à judith.sribnai@umontreal.ca, pierre.popovic@umontreal.ca et bernabe.wesley@umontreal.ca , avant le 31 juillet 2018. Afin de favoriser les échanges, la durée des interventions sera de dix minutes.
Voici quelques pistes d’exploration possibles :
– Galerie de personnages et figurations des célébrations (héros/victimes, témoins, martyrs/sauveurs, le « fêté », etc.)
– Déformations, réécritures, effacements et autres modes d’amnésie collective dans la commémoration
– Discours idéologiques et débats autour des festivités (abus de langage, paralogismes, rhétoriques de la nation, de l’identité, etc.)
– Narrativité des festivités (grand récit national, mythes, légendes, incidents, découvertes, perturbations ; ellipses ; fiction, etc.)
– Théâtralité des commémorations et des célébrations (parades, défilés, discours, veillées et moments de recueillement, etc.)
– Mises en forme de la matérialité du passé (musées, monnaies, timbres, monuments, cimetières, sites, listes, archives, etc.)
– Événements commémorés (batailles, victoires/défaites, génocides) ou célébrés (terroirs, traditions, communautés, « journées de… », « fiertés », etc.)
– Critiques du festif (« Homo festivus », « société du spectacle », etc.), débats autour des commémorations et des célébrations
– Topoï et motifs de la fête, des commémorations et des célébrations (carnavalesque, discours laudatif, registre épidictique, ton solennel, etc.)
– Genres littéraires convoqués et effets de réécriture (l’épopée, le tombeau littéraire ; parodies, registres du burlesque et de l’héroï-comique, etc.)
Comité d’organisation : Elaine Després, Pierre Popovic, Judith Sribnai et Bernabé Wesley.
[1] François Dosse, « Entre histoire et mémoire : une histoire sociale de la mémoire », Raison présente, 128, 1998, p. 9.
[2] Régine Robin, La Mémoire saturée, Paris, Stock, 2003, 525 p.
[3] Sébastien Ledoux, « Écrire une histoire du “devoir de mémoire” », Le Débat, 2012/3, no 170, p. 175-185.