Vendredi, 17 septembre 2021, 14 h
Université du Québec à Montréal
Date limite pour les propositions : 15 août 2021
Organisation : Jean-François Chassay et David Bélanger
La pandémie dont nous tâchons de sortir a apporté son lot de frustrations, de désespérances et aussi, plus froidement, de morts. Des morts comptabilisés, ramenés souvent à de simples statistiques, qu’on préférerait sans doute ne pas voir – et les chiffres d’ailleurs sont largement en-dessous de la réalité, les experts ont peu de doutes là-dessus. Nous vivons dans une société « postmortelle » où les technologies défendues par les posthumains visent à éradiquer la mort, où la fête perpétuelle vise à l’oublier, où le Web sert souvent à la spectaculariser et à « l’éterniser », provoquant une « ludification du morbide » (Luce Des Aulniers, Le temps des mortels). Il reste qu’avec la pandémie, la mort d’autrui a pris une prégnance et une coloration particulière. On a beau vouloir l’éviter, son omniprésence claironnée à la une de tous les médias l’imposait.
L’occasion est belle de rappeler que la mort est le sujet premier de la littérature comme de l’ensemble des créations culturelles. Cette séance inaugurale du CRIST voudrait le souligner, en s’arrêtant sur la mort non pas comme idée, comme métaphore, mais sur le cadavre figuré, qu’on décrit ou qu’on raconte. Des epitaphoi grecs chantant la mise en terre des morts au cadavre trimballé dans un coffre de voiture dans un polar bien noir, les représentations offertes sont diverses. La manière dont on en parle, dont on le décrit, révèle beaucoup des rites, des rituels, et plus largement du discours sur la mort dans telle société donnée. Le cadavre est le signe de la fin pour celui qui a été, mais peut enclencher un nouveau départ pour ceux qui restent. Partons d’un constat : ce n’est pas parce qu’une personne meurt que son corps cesse de nous encombrer. Il peut être difficile à ranger dans le frigo ou dans une armoire pour le garder près de soi (endeuillés inconsolables ou cannibales et autres psychopathes), il faut le transporter au loin (cimetière éloigné ou cendres à répandre), il peut refuser de partir (métaphoriquement, symboliquement, tout en étant très concret : chez Donald Barthelme ou Eugène Ionesco, par exemple), il peut se réveiller et venir nous hanter (zombi, vampire), il peut pourrir sur place ou simplement se mettre à sentir un peu, ce qui suffit pour être une catastrophe (de certains romans gore jusqu’aux odeurs délétères du starets Zosime dans Les frères Karamazov). Ainsi, l’immobilité inhérente du cadavre n’implique pas qu’il ne soit pas en action : la décomposition, c’est un corps qui continue à raconter. Ce n’est donc pas la mort abstraite, symbolique qui serait examinée, mais les traces réelles, matérielles du cadavre – qui, paradoxalement, travaillent à transformer les vivants et souvent à les épuiser. Nous vous convions, dans ce présent appel, à nous soumettre des « parcours de cadavres », dans la culture ; comment les corps sans vie se déplacent, se liquéfient, apparaissent puis disparaissent ?
Les propositions de communication (un titre et 100-300 mots max) doivent être envoyées avant le 15 août 2021 à despres.elaine@uqam.ca. Dans le cadre d’une séance inaugurale, la durée des interventions sera de dix minutes maximum.