XIIIe conférence inaugurale du CRIST
Vendredi 17 septembre 2021, 14 h – J-4225 (UQAM)
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La pandémie dont nous tâchons de sortir a apporté son lot de frustrations, de désespérances et aussi, plus froidement, de morts. Des morts comptabilisés, ramenés souvent à de simples statistiques, qu’on préférerait sans doute ne pas voir – et les chiffres d’ailleurs sont largement en-dessous de la réalité, les experts ont peu de doutes là-dessus. Nous vivons dans une société « postmortelle » où les technologies défendues par les posthumains visent à éradiquer la mort, où la fête perpétuelle vise à l’oublier, où le Web sert souvent à la spectaculariser et à « l’éterniser », provoquant une « ludification du morbide » (Luce Des Aulniers, Le temps des mortels). Il reste qu’avec la pandémie, la mort d’autrui a pris une prégnance et une coloration particulière. On a beau vouloir l’éviter, son omniprésence claironnée à la une de tous les médias l’imposait.
L’occasion est belle de rappeler que la mort est le sujet premier de la littérature comme de l’ensemble des créations culturelles. Cette séance inaugurale du CRIST voudrait le souligner, en s’arrêtant sur la mort non pas comme idée, comme métaphore, mais sur le cadavre figuré, qu’on décrit ou qu’on raconte. Des epitaphoi grecs chantant la mise en terre des morts au cadavre trimballé dans un coffre de voiture dans un polar bien noir, les représentations offertes sont diverses. La manière dont on en parle, dont on le décrit, révèle beaucoup des rites, des rituels, et plus largement du discours sur la mort dans telle société donnée. Le cadavre est le signe de la fin pour celui qui a été, mais peut enclencher un nouveau départ pour ceux qui restent.
Partons d’un constat : ce n’est pas parce qu’une personne meurt que son corps cesse de nous encombrer. Il peut être difficile à ranger dans le frigo ou dans une armoire pour le garder près de soi (endeuillés inconsolables ou cannibales et autres psychopathes), il faut le transporter au loin (cimetière éloigné ou cendres à répandre), il peut refuser de partir (métaphoriquement, symboliquement, tout en étant très concret : chez Donald Barthelme ou Eugène Ionesco, par exemple), il peut se réveiller et venir nous hanter (zombi, vampire), il peut pourrir sur place ou simplement se mettre à sentir un peu, ce qui suffit pour être une catastrophe (de certains romans gore jusqu’aux odeurs délétères du starets Zosime dans Les frères Karamazov). Ainsi, l’immobilité inhérente du cadavre n’implique pas qu’il ne soit pas en action : la décomposition, c’est un corps qui continue à raconter. Ce n’est donc pas la mort abstraite, symbolique qui sera examinée, mais les traces réelles, matérielles du cadavre – qui, paradoxalement, travaillent à transformer les vivants et souvent à les épuiser. Nous vous convions à réfléchir aux « parcours de cadavres », dans la culture ; comment les corps sans vie se déplacent, se liquéfient, apparaissent puis disparaissent ?
Programme
14h Présentation de la programmation 2021-2022
14h10 Séance 1 – « L’exhibition des corps »
- Marc Angenot, « Infortunes posthumes. Tribulations cadavériques. Une esquisse historique »
- Benoît Melançon, « Un cadavre sur la glace : Howie Morenz »
- Pierre Popovic (lu par Judith Sribnai), « Dieu, son cadavre et la grammaire »
14h40 Discussion
14h55 Création d’Évelyn Dufour
15h05 Pause
15h15 Séance 2 – « Le travail des fossoyeurs : transport et enterrement »
- Elaine Després, « Abe, prince des rails »
- Ketzali Yulmuk-Bray, « Le cadavre entre les mains des cyniques »
- Simon Lévesque, « Le dernier rituel du Banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs de Mathias Énard »
15h45 Discussion
16h Création de Vincent Brault
16h10 Pause
16h20 Séance 3 – « Le cadavre embarrassant »
- Bernabé Wesley, « Ces corps qui racontent l’histoire »
- Aglaé Boivin, « Une charogne encombrante »
- Francis Gingras, « L’économie du cadavre dans deux fabliaux du XIIIe siècle »
- Jean-François Chassay, « Un médecin et son cadavre »
17h Discussion
17h15 « Le vivant-mort », chanson de Luca Massad, accompagné de Mathieu McConnell-Enright à la contrebasse
17h30 Cocktail au Pub l’Île noire (1649, rue Saint-Denis)