12-13 mai 2022
Université de Montréal
Date limite pour les propositions : 1er novembre 2021
Colloque organisé par David Bélanger et Martine-Emmanuelle Lapointe
« Ma proposition est modeste. Elle consiste à dire que la science économique doit se construire sur des données humaines, telles que les romans comme celui de Dickens nous les révèlent à l’imagination, et que la science économique devrait rechercher un ensemble de fondements plus complexe et philosophiquement plus pertinent », écrit Martha Nussbaum dans L’art d’être juste ([1995] 2015 : 46).
Cette invitation de Nussbaum a semblé bel et bien reprise au bond par plusieurs personnes. Un économiste, Thomas Piketty, dans Le capital au XXIe siècle (2013), ne cesse de référer à Balzac et à Austen pour illustrer les variables économiques des siècles passés, tandis que des romancières ou romanciers comme Houellebecq se font économistes (Maris, 2014). Joseph Vogl, depuis la discipline littéraire, a lu dans la crise financière de 2008 un spectre du capital (2013 [2010]), ce qui a engagé un surcroît d’intérêt (!) pour les dettes, soudainement lisibles dans la culture (Graeber, 2013 2011; Bouju, 2017; Peyraud, 2012), ce qui a débouché sur les narratives of Debt (2020). On parle ainsi d’économie esthétique (Deneault, 2020), d’imaginaire social de la spéculation (Reffait, 2007), de la narration par la transaction (Paine, 2019). On propose même un « imaginaire du banquier » (Frédéric et Lefort-Favreau, 2020).
La question au cœur de cette journée d’étude sera celle-ci : comment parler du lien entre économie et littérature de façon sensible, dès lors que le schéma marxiste (infrastructure / superstructure) semble éventé ? Comment sortir également des simples oppositions entre le symbolique et l’économique, ce que Pierre Bourdieu nommait « l’économie inversée », pour décrire la relation entre les deux domaines ? Il existe, peut-on penser, un « imaginaire économique », c’est-à-dire une manière de dire l’économie, d’en nommer le fonctionnement, les rouages, les limites. Comment la littérature sert-elle cet imaginaire ?
Les participant.e.s sont invité.e.s, par l’analyse d’objets de leur choix, à réfléchir à ce rapport assurément diffus entre littérature et économie. Entre l’ethnocritique et la sociocritique, la sociologie littéraire et la pure interdisciplinarité, l’événement désire être un moment de dialogues constructifs sur une question méthodologique actuelle.
L’événement se tiendra à l’Université de Montréal, les jeudi et vendredi, 12 et 13 mai. Les propositions, d’au plus 250 mots, accompagnées d’un titre et d’une courte notice biobibliographique, devront être envoyées à David Bélanger (david.belanger.7@umontreal.ca) avant le 1er novembre.
Comité savant : David Bélanger, Martine-Emmanuelle Lapointe et Jean-Philippe Warren.
Bibliographie
BOUJU, Emmanuel (2017), « Être ou ne pas être (en dette). Un récit transdisciplinaire », Cadernos de Literatura Comparada, p. 53-72.
Deneault, Alain (2020), L’économie esthétique, Montréal, Lux.
Frédéric, Hélène et Julien Lefort-Favreau (2020), « Étudier la culture du banquier », Fixxion, no 21 [en ligne] http://www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org/rcffc/article/view/fx%2021.16/1492
Graeber, David ([2011] 2013), Dette. 5000 ans d’histoire, traduit de l’anglais par Françoise et Paul Chemla, Arles, Actes sud (Babel).
Kemple, Thomas M. (1996), « Les illusions spéculaires du capitalisme : Balzac et Marx sur les fictions critiques de l’économie politique », Cahiers de recherche sociologique, no 26, p. 39-59.
Nussbaum, Martha C. ([1995] 2015), L’art d’être juste, trad. de l’anglais par Solange Chavel, Paris, Climats.
Paine, Jonathan (2019), Selling the Story. Transaction and Narrative Value in Balzac, Dostoevsky and Zola, Cambridge (USA), The Harvard University Press.
Péraud, Alexandre (2012), Le crédit dans la poétique balzacienne, Paris, Classiques Garnier (Études romantiques et dix-neuviémistes), 2012.
Piketty, Thomas (2013), Le capital au XXIe siècle, Paris, Seuil (coll. « Les livres du nouveau monde »).
Reffait, Christophe (2007), La Bourse dans le roman du second XIXe siècle. Discours romanesque et imaginaire social de la spéculation, Paris, Honoré Champion.
Shell, Marc (1978), The Economy of Literature, Baltimore, John Hopkins University Press.
Shell, Marc (1982), Money, Language, and Thought: Literary and Philosophical Economies from the Medieval to the Modern Era, Berkeley,University of California Press.
Sicotte, Geneviève, Martial Poirson, Stéphanie Loncle et Christian Biet (dir.), Fiction et économie. Représentations de l’économie dans la littérature et les arts du spectacle, XIXe-XXIe siècle, Presses de l’Université Laval, coll. «Monde culturel», 2013, 278 p.
Vogl, Joseph (2010 [2013]), Le spectre du capital, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Paris/Bienne, Diaphanes.