L’École dans les arts et dans les lettres, et sous toutes ses coutures

Sixième Conférence inaugurale

Mercredi 4 septembre 2013 – 15h-18h
Université du Québec à Montréal
405, rue Sainte-Catherine Est 
Salle J-4225


15 h 00 : Première séance

Claudia Bouliane (Université McGill)
«La petite feuille blanche collée contre un mur gris»

Sylvain David (Université Concordia)
«(Hard) Core Curriculum : l’école chez les Dead Kennedys»

Brigitte Faivre-Duboz (Cégep de Saint-Laurent)
«Monsieur Lazhar : un homme d’expérience au pays des pédagogues»

Djemaa Maazouzi (Université Charles-de-Gaulle-Lille 3)
«Les écoles de La Guerre des boutons»


16 h 00 : Deuxième séance

Élisabeth Nardout-Lafarge (Université de Montréal)
«L’école chez Ducharme»

Olivier Parenteau (Cégep de Saint-Laurent)
«This is a big fat waste of my time : Calvin écolier chez Bill Waterson»

Danny Plourde (Université de Montréal)
«Un pédagogue atypique chez Louis Hamelin»

Pierre Popovic (Université de Montréal)
«Tu n’es qu’un âne»

17 h 00 : Pause


17 h 15 : Flaubert revu et corrigé

Jean-François Chassay (UQAM)
Claire Legendre (Université de Montréal)
Catherine Mavrikakis (Université de Montréal) et
Alain Farah (Université McGill)
… réécrivent l’incipitde Madame Bovary

18 h 00 : Vin d’honneur

Organisation : Geneviève Lafrance, Olivier Parenteau, Pierre Popovic

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Cette année, à l’occasion de la Sixième Conférence inaugurale du CRIST, qui sera à nouveau collective, il s’agira de remonter à la source d’un des principaux facteurs responsables de l’«indignation politique» qui nous occupait il y a un an : la question de l’éducation. S’il est un sujet qui a profondément marqué – voire saturé – le discours social québécois de l’année 2012-2013, c’est bien la topique scolaire. Mais cette dernière a essentiellement été pensée dans une perspective locale et politique : menés par les professeurs, les étudiants, les pédagogues, les politiciens et les journalistes, les débats sur l’éducation ont surtout porté sur les études supérieures et l’immense majorité des textes qui rendent compte de ces enjeux forment un vaste corpus d’articles de journaux, d’essais, de dossiers spécialisés et de travaux à facture universitaire.

Or la littérature, les arts et le cinéma proposent eux aussi, depuis longtemps, d’innombrables représentations du milieu de l’enseignement. Comment les écrivains, les dramaturges, les bédéistes, les réalisateurs, les chanteurs et autres artistes ont-ils représenté cet endroit particulier qu’est l’école? Que disent-ils des pratiques et des comportements liés à l’éducation? En quoi les figurations délibérément esthétiques de l’école que ces derniers proposent peuvent-elles adopter un regard critique à l’endroit des discours politiques relatifs à l’acte de transmettre le savoir?

Qu’il s’agisse de la «petite école» de rang d’Une saison dans la vie d’Emmanuel de Marie-Claire Blais ou de la Grande École de Clément de Gaulejac, du collège de province représenté par Louis Guilloux dans Sang noir ou du campus américain pour jeunes filles supposément rangées dépeint par Joyce Carol Oates dans Beasts, de l’«École publique» poétisée par Eugène Guillevic dans 31 sonnets ou de la salle de classe «crayeuse de poussière» mise en vers par Jean Follain dans le poème «L’ordre», de l’école primaire montréalaise du film Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau ou du lycée de banlieue présenté dans le film Entre les murs de Laurent Cantet, l’école est nécessairement située : c’est un lieu géographiquement localisable dont on pourra étudier les figurations. Bien que l’école soit un espace clos, clôturé (qui n’a d’ailleurs pas manqué d’être associé par certains à une colonie concentrationnaire – pensons aux paroles de cette chanson culte du groupe Pink Floyd, «We don’t need no education / We don’t need no thought control» – ou, comme c’est le cas dans le conte «La femme en morceaux» d’Assia Djebar, à un lieu menacé par des idéologies fondamentalistes qui compromettent la liberté académique), elle se présente le plus souvent comme un véritable microcosme social. On y «naît» à la vie collective et intellectuelle, on y grandit, et il arrive même qu’on y meurt (par suicide, comme dans le film Detachment de Tony Caye, ou dans des tueries, comme dans le film Elephant de Gus Van Sant – directement inspiré par le drame, bien réel celui-là, survenu en 1999 au Columbine High School). L’école est un lieu de brassage générationnel (la cour des «petits» et celle des «grands»), ethnique, religieux (on pense à la nouvelle «La jeune fille au balcon» de Leïla Sebbar, où un commando armé menace la directrice d’une école parce que certaines élèves ne sont pas voilées, mais aussi à la chanson «Le voile à l’école» de Brigitte Fontaine). Aussi, certains espaces classiques du monde scolaire ne manquent pas de rappeler le «vrai monde» qui attend les élèves : la salle de classe (où règne une double hiérarchie : l’officielle, qui impose une distance autoritaire entre le maître et les élèves; l’officieuse, qui divise les élèves entre eux : on se rappellera l’incipit de Madame Bovary, où l’italique utilisé pour désigner le «nouveau» qui fait son entrée à l’étude témoigne bien du dédain qu’il inspire aux «anciens») et la cour de récréation (qui prend plus souvent qu’autrement des allures de champ de bataille, comme c’est le cas dans la scène inaugurale des Enfants terribles de Cocteau, où certaines des balles de neige que les écoliers se lancent à la tête sont lestées de pierres). Mais l’école déborde toujours déjà du lieu qui la désigne. Des élèves poètes s’évadent en jetant leurs yeux par les fenêtres. Les escholiers du temps jadis vadrouillent avec François Villon dans les rues, frayant quelquefois avec les milieux interlopes. Rimbaud fugue et donne des leçons de vie et de poésie à son professeur qu’il accuse de ne rêver qu’au «râtelier universitaire». Mais on s’évade en groupe aussi, pour des fêtes terribles à travers les villes, où les cortèges d’étudiants se répandent comme des traînées d’effervescence. L’évasion peut être sérieuse, politique : manifestations, sittings, occupations. L’art, le cinéma, la littérature ont aussi raconté, filmé, écrit cela.

L’école, c’est aussi bien sûr un endroit où des savoirs sont dispensés par un maître – vénéré (considérons le très inspirant professeur du film Dead Poets Society de Peter Weir), raillé (à cet effet, ne pouvons-nous pas tous puiser dans nos souvenirs personnels!), craint ou érotisé («La maîtresse d’école» de Georges Brassens). De ce point de vue, on pourra s’intéresser à la préférence très marquée des écrivains et des artistes pour ces figures d’élèves qui n’étudient pas : le cancre, le pitre, le dissipé, le rêveur ( voir, entre autres : «Le cancre» de Jacques Prévert, le film Les Sous-doués de Claude Zidi, le personnage de Calvin dans les bandes dessinées Calvin and Hobbes de Bill Waterson) Est-ce que les représentations de ces élèves réfractaires, indociles et désobéissants peuvent être mises en parallèle avec les nombreux portraits de l’artiste marginal, en rupture de ban par rapport à la société traditionnelle?

Enfin, comme le rappellent si bien ces deux chansons fort différentes que sont «En sortant de l’école» d’Yves Montand et «School’s Out» d’Alice Cooper, l’école, cela suppose aussi les vacances tant attendues ou, dans certains cas de désobéissance ponctuels, l’école buissonnière. Et n’oublions pas, pour ceux qui doivent ou souhaitent l’abandonner définitivement, l’«école de la vie», celle que Maxime Gorki évoque dans Mes universités (1923) et que chante Grand Corps Malade, cette école où «dans [d]es cahiers en ciment, [on] apprend la vie en rimant».